LES FOUILLES DU SITE DE WAUDREZ
Le site de l’antique agglomération fait l’objet de recherches archéologiques sporadiques dès 1838, en raison de nombreuses découvertes fortuites lors de labours. Mais aucune fouille préalable n’est menée sur le site avant la seconde moitié du XXème siècle.
En 1952, en effet, le Service National des Fouilles entreprend les premiers travaux archéologiques scientifiques. Poursuivis en avril 1953 dans une prairie à quelques 1500m au sud du vicus ceux-ci recoupent un mur de bâtiment romain, solidement construit, et situé au sud de la route Binche-Mons. De 1957 à 1973, Dominique de Gennaro, érudit d’origine roumaine, effectue pour sa part une série de petits sondages. Les situant approximativement sur un plan général du site, il dresse de vagues coupes stratigraphiques. L’essentiel de ses recherches porte sur les champs au nord-ouest de la chaussée. Il met notamment au jour « une petite cave située à l’angle d’une habitation mesurant 2,30m sur 1,40m et d’une profondeur totale de 1,10m dont 70cm à parois verticales et à fond bien plat ». Il baptise celle-ci « Fosse Gallien », du nom de l’empereur à l’effigie duquel il y a découvert deux monnaies. Décédé en 1975, D. de Gennaro lègue par l’entremise de son épouse une partie de ses collections et son carnet de notes de fouille au Cercle archéologique de Waudrez.
A partir de l976, le Centre d’Archéologie et de Loisirs scientifiques (CALS), appelé également Centre archéologique de Waudrez (CAW), entreprit chaque année une campagne de recherches archéologiques afin de mieux cerner l’ampleur du vicus. D’un point de vue pratique le site classé de VODGORIACUM est désormais divisé en sept zones – ou secteurs de fouilles – bien distinctes. Nous présentons la synthèse des recherches modernes qui suit en respectant cette division plutôt que d’une manière strictement chronologique.
Notons au passage qu’aucune fouille n’est visible actuellement.
Zone A :
Situé au nord de la chaussée Brunehaut, il est délimité à l’ouest par la route Binche – Mons (N.90) et le chemin de Péronnes et à l’est par l’ancien chemin du Tordoir. Consacrée aux terres de culture, il s’agit certainement de l’une des parties les plus importantes du vicus, comme en attestent les résultats des fouilles anciennes (De Gennaro) et surtout modernes.
Le puit
Lors de la réalisation d’une fouille, durant l’été 1983, une découverte majeure est réalisée dans cette partie du vicus : il s’agit d’un puits de plus de l2 mètres de profondeur. La fouille est située à 77m de la chaussée moderne. Construit en pierres de grès locales taillées et appareillées avec soin sans mortier de sable ou de chaux, ce dernier fut réalisé durant le premier tiers du Ier siècle. Son comblement rapide à l’aide de tas de terre, de poutres calcinées et grosses pierres, est pour partie rituelique et devrait être replacée vers le 3ème quart du IIIème siècle. L’analyse des différents niveaux de remplissage et du matériel archéologique très abondant qu’il contient permet en effet de dresser une chronologie relativement précise de son utilisation et de son abandon.
De nombreux squelettes d’animaux furent également mis au jour dans ce puits. Le fonds du puits, situé à 13m sous le sol antique, ne fut atteint qu’en 1985. L’hypothèse de la présence d’un grand complexe de bâtiments ceinturant cette structure, implanté perpendiculairement à la chaussée romaine ne paraît pas à exclure.
Zone B :
Sis au nord de la chaussée, ce secteur est délimité à l’ouest par l’ancien chemin du Tordoir et à l’est par la rue de la Princesse. Il encadre donc les deux rives de la rivière qui porte le même nom.
En 1978 un projet de dérivation du cours de la rivière et de ses deux affluents, la Samme et la Bruille, en vue de leur canalisation conduisit les pas des archéologues dans ce nouveau secteur du vicus et plus particulièrement sur la rive droite de la Princesse. Les archéologues du CAW dégagèrent un petit bâtiment quadrangulaire, de 5 mètres de côtés. En 1984, la ville de Binche entreprend enfin les travaux de canalisation prévus. La réalisation des travaux lourds ne touche heureusement aucune structure archéologique si ce n’est un tronçon de la chaussée antique.
Zone C :
Situé à l’est du vicus, ce secteur encadre de part et d’autre la chaussée Brunehaut et englobe le Mont-de-la-Justice. Il est limité à l’ouest par la rue de la Princesse. Son relief particulier et la présence de nombreuses bâtisses et propriétés privées, parmi lesquelles le Château Desenfan et son parc boisé, ont empêché toute recherche dans cette zone.
Toutefois en 1978 le CRAN effectua un rapide sondage sur les pentes du Mont-de-la-Justice. Le désir des archéologues était de retrouver le point de passage de l’antique chaussée Brunehaut. Ce sondage n’a révélé aucune structure construite.
Zone D :
Placé au sud de la chaussée Brunehaut, la Bruille constitue sa limite occidentale. Ce secteur s’étend vers l’est jusqu’à la rue de la Princesse, franchissant au passage le cours de la Samme. Au sud, il est bordé par la N.90 Binche-Mons.
Bâtiment avec bain sur hypocauste
En 1979, les recherches se portèrent sur cette nouvelle partie du vicus. Là aussi, c’est le futur réaménagement du cours des rivières qui poussa les archéologues dans leurs investigations. Un vaste complexe de bâtiments y fut découvert. A la surprise générale, apparurent rapidement de vastes installations balnéaires avec lambeau de radier d’hypocauste. A l’extérieur des installations, une trace rougie révélait encore l’emplacement de l’entrée du praefurnium. En 1980, un petit bassin absidial fut mis au jour. Plusieurs murs qui s’enchevêtrent prouvent les nombreux réaménagement de ces bâtisses. Trois niveaux de construction semblent se surimposer. Des surfaces de circulation extérieures, faites d’empierrements sont aussi exhumées : il pourrait s’agir de chemins. Mais la fouille de ce quartier est abandonnée fin l982, au profit d’autres secteurs.
Cave avec soupirail
En 1986, la fouille de la parcelle 204b, appelée zone des bains, reprend enfin. De nouvelles fouilles permettent le dégagement du prolongement des murs découverts en 1981. La découverte la plus marquante de cette année est celle d’un soupirail d’une cave, desservie par un escalier. Au fond de la cave fut retrouvé un vaisselier aux vases de cuisines emboutis. Couvert d’une tuile il était composé de 5 vases de format différent. Dans le coin N. de la cave, où l’on peut remarquer une assise de réglage en tuiles, une enseigne de fer fut retrouvée au côté de tuiles.
Dès 1990, la suppression des banquettes permit d’avoir une vue d’ensemble des bâtiments. S’étendant au N., la fouille mit au jour d’anciennes structures comblées de grosses pierres. Une paroi de terre crue ou de torchis fut découverte dans un sol en place. En outre, une fosse à charbon de bois apparut sous un sol empierré. De forme parfaitement circulaire, elle ne put être que partiellement vidée. Cette dernière livra de nombreux tessons de céramique grise et de scories de fer. Passablement altérés par les intempéries, les structures furent finalement rebouchées en 1994, deux ans après l’arrêt du chantier.
Zone E :
Cette zone de forme triangulaire, est comprise entre la chaussée Brunehaut au nord, la Bruille à l’est et la route Binche-Mons (N.90) au sud-ouest. Elle inclut le rond-point de VODGORIACUM.
Exception faite des maisons et des hangars commerciaux construits en bordure de la N.90, elle est exclusivement composée de prairies. Elle n’a fait à ce jour l’objet d’aucune fouille moderne par le CAW mais des vestiges y ont été découverts. Profitons néanmoins de l’occasion pour mentionner les fouilles menées en 1995 par les Services Archéologiques de la Région wallonne dans le cadre du réaménagement du rond-point en question par le Ministère de l’équipement et des transports. Plusieurs états différents de la chaussée furent découverts de même que quelques tombes à incinération, un four de potier et quelques édicules de forme quadrangulaire, aux murs maçonnés.
Zone F :
Longeant la chaussée Brunehaut dont il occupe le flanc méridional, ce secteur s’étend jusqu’aux limites de la commune d’Estinnes à l’ouest. Sa limite orientale est constituée par le rond-point de Vodgoriacum.
Aucune fouille récente n’a été pratiquée dans cette partie du site, mais la présence de vestiges d’époque romaine y est connue. Cette zone paraît être extérieure à l’agglomération antique.
Zone G :
Faisant face au secteur F, cette dernière zone qui borde la chaussée sur son côté septentrional, s’étend des limites de la commune d’Estinnes à l’ouest, jusqu’au rond-point de Vodgoriacum et à la route Mons-Binche (N.90) à l’est.
Tombe à incinération
Ce secteur semble être extérieur à l’agglomération antique, comme le laisse supposer la présence de tombes. C’est dans cette partie du territoire de Waudrez qu’ont été découvert en 1984 les vestiges d’une antique nécropole. Lors de la construction d’une villa, le CAW y pratiqua le rapide sauvetage de huit tombes. Situées sous le niveau de culture, ces tombes étaient très bien conservées. Elles comportaient chacunes plusieurs vases, dont une urne dans laquelle étaient déposés les ossements brûlés. Les urnes avaient été couvertes par des récipients divers, afin d’en protéger le contenu. Chaque tombe était placée dans une fosse quadrangulaire creusée à même le sol. Les parois étaient parfois délimitées par des tuiles. Les pièces de monnaies, les fibules et certaines céramiques feraient replacer ces sépultures dans la seconde moitié du IIème siècle. En 1994, lors de la construction d’une villa sur un terrain voisin, les Services archéologiques de la Région wallonne procédèrent également à la fouille d’une série de tombes.